Love me tender sur un tas de tasseaux

En ce moment, je fréquente assidûment le Mr Bricolage de l'hyper-centre strasbourgeois, non pas parce que je serais subitement devenue une professionnelle de la varlope mais pour me fournir en matériaux de base nécessaires à la mise en place de situation d'apprentissages pertinentes et constructives au sein de ces cours passionnants que je propose à mes classes hypnotisées par le bonheur d'apprendre et la joie des sciences mécaniques.

Cela dit, j'adore les magasins de bricolage, ça sent bon le bois, on peut rêvasser devant les boulons de 12 ou les joints ciment pendant des heures, on risque peu de croiser une nuée de minettes clonées sur le même mannequin de vitrine Zara et on n'a pas besoin d'aller en cabine d'essayage quand on achète un marteau.

Marteau. Comme la caissière de ce soir.
Je lui présente mes équerres métal toutes identiques en lui précisant: "il y en a 7".
La voici qui tente mollement de séparer chaque équerre l'une de l'autre. Si mollement que je pense m'être endormie pendant quelques secondes (minutes?). Elle contemple un bref instant d'une éternité sans fin leur code-barre, comme si elle tentait un jeu des 7 erreurs puis s'esclaffe interminablement d'une voix aussi enjouée que le son du trombone d'un orchestre klezmer: "aah nooon, yen a 6".
Je baisse les yeux, contemple à mon tour mes équerres esseulées qui me lancent de petits coups d'œil métalliques implorants ("ne nous laisse pas tomber, prends nous toutes!"), compte de droite à gauche, de gauche à droite, de haut en bas et de bas en haut, de biais, en allemand, en portugais et en inuit. Le doute n'est pas permis, ces équerres sont bien au nombre de 7.

Je pointe mon doigt tremblant d'émotion contenue vers elles et compte, comme à l'école maternelle: "1 2 3 4 5 6 7... Il y en a bien 7."

La caissière alors de me rétorquer lentement: "Maaaais vous m'aviez diiiit 5."

C'est à ce moment-là que j'ai crié dans ma tête.